L’examen
microscopique permettant de constater la présence du parasite se fait sur le
sang, la lymphe ganglionnaire ou le LCR. La répétition des examens augmente les
chances de découvrir le parasite, la parasitémie étant fluctuante.
I.1.1.1.
Examens du sang
sans concentration
Ce sont les
examens de base où les prélèvements ne subissent aucune préparation spéciale
(sauf la coloration éventuelle) avant l’examen microscopique.
La morphologie
des trypanosomes africains infectants pour l’homme est toujours la même :
trypanosomes polymorphes, présentant dans le sang et les liquides biologiques
des formes courtes et des formes longues. Les détails morphologiques sont mieux
mis en évidence par la coloration mais l’examen à frais permet aussi de
reconnaître le parasite grâce à sa forme et à ses mouvements vifs.
I.1.1.1.1.
Examen du sang
frais
Une goutte de
sang prise au doigt est placée sur une lame porte-objet, recouverte d’une
lamelle pour obtenir un étalement régulier puis immédiatement examinée au
grossissement 400x avant que le sang ne sèche, tant que les trypanosomes sont
mobiles. Les trypanosomes sont repérés grâce à leur mobilité. Ils bousculent les
globules rouges avoisinants. Les microfilaires Loa loa et Dipetalonema
perstans (300 μm de long) ainsi que les gamètes mâles de Plasmodium
(0,5 μm d’épaisseur) libérés in vitro à partir des gamétocytes sont mobiles
dans le sang et constituent une source d’erreur possible pour un microscopiste
non averti.
Cette méthode
est extrêmement simple, mais c'est la moins sensible des techniques de
diagnostic: pour qu'elle soit positive, il faut qu'il y ait dans le sang
environ 10 000 trypanosomes par ml. De plus, elle est longue car on doit lire
attentivement toute la lame jusqu'à la mise en évidence d'un trypanosome [111].
I.1.1.1.2.
Goutte épaisse
Le volume de
sang utilisé est, pour une surface de lecture moindre, plus important que pour
l'étalement frais : la technique est donc plus sensible de l'ordre de 8 000
trypanosomes par ml. En outre, la lecture est plus aisée car les trypanosomes
sont colorés.
Après avoir
piqué le bout du doigt, on procède de la même façon que pour l'étalement frais,
mais on dépose 3 gouttes de sang au centre de la lame. Non fixée mais
défibrinée et colorée au Giemsa la lecture se fait au microscope au
grossissement 400x. Elle peut être faite immédiatement après coloration ou
différée. Les trypanosomes apparaissent colorés en bleu, avec le noyau et le
kinéroplaste rouges, et sont facilement visibles. Avec un peu d'expérience, on
peut utiliser un grossissement moins fort [105].
I.1.1.2.
Examens du sang
après concentration
Vu sa rareté
dans les prélèvements, les méthodes de concentration parasitaire ont une grande
utilité pour la recherche des trypanosomes.
Dans le sang ou
le LCR, les parasites peuvent être concentrés avant examen microscopique. La
concentration peut se faire suivant deux principes : la centrifugation ou la
filtration sur cellulose.
I.1.1.2.1.
Technique de
centrifugation sur tube capillaire (ou à microhémarocrite)
La CTC ou
technique de centrifugation sur tube capillaire est également appelée technique
de Woo, du nom de celui qui l'a décrite. Elle consiste à prélever du sang sur
des tubes capillaires puis, après en avoir bouché une extrémité, à centrifuger
ces tubes à très grande vitesse, avec une centrifugeuse à microhématocrite.
La
centrifugation sépare les éléments du sang par force centrifuge. Les éléments
les plus lourds, les hématies, se concentrent près de l'extrémité bouchée du
tube (placée à l'extérieur lors de la centrifugation). L’autre extrémité du
tube contient le plasma. Les globules blancs et les plaquettes forment une
couche mince entre hématies et plasma ; les trypanosomes, ayant la même densité
que les globules blancs et les plaquettes, se retrouvent à ce niveau.
Cette technique
ne fait appel à aucune coloration, mais nécessite une centrifugeuse spéciale et
le branchement au réseau électrique ou un groupe électrogène. Le volume de sang
traité, par tube, est de 60 à 70 μl. Le seuil de détection est de l'ordre de
500 trypanosomes par ml de sang.
Les
trypanosomes apparaissent animés de mouvements ondulants soit libres dans le
plasma, à proximité de la couche de globules blancs, soit enfoncés dans cette
couche, ce qui les rend plus difficiles à observer [111].
I.1.1.2.2.
Le QBC
(Quantitative Buffer coat test)
Le QBC
(Quantitative Buffer coat test) est basé sur le même principe que la CTC : on
utilise la différence de densité entre les éléments du sang pour les séparer
par centrifugation, les trypanosomes se retrouvant entre le plasma et les
cellules sanguines, au même niveau que les plaquettes. Il y a, avec la CTC,
deux différences importantes qui améliorent considérablement la lecture:
-les éléments
du sang sont colorés par de l'acridine orange;
-le tube
contient un flotteur se plaçant, lors de la centrifugation, au niveau de
l'interface, entre les cellules et le sérum. Les cellules et les plaquettes
vont se retrouver réduites à une mince couche (40 µm) entre le flotteur et la
paroi intérieure du tube, donnant ainsi une meilleure lisibilité.
La sensibilité
de cette technique est à peu près la même que celle obtenue avec la CTC, de
l'ordre de 450 trypanosomes par ml, mais la lecture est beaucoup plus facile.
Son inconvénient majeur réside dans le fait qu'il faut une centrifugeuse
spéciale (type centrifugeuse à hématocrite) et un système d'éclairage par
ultra-violet, matériel assez onéreux.
I.1.1.2.3.
Concentration
par filtration: mAECT (miniature-Anion-Exchange Centrifugation Technique) ou minicolonne
échangeuse d’ions
La mAECT a été
mise au point à partir d'une grande colonne de cellulose destinée à extraire
les trypanosomes du sang d'animaux inoculés au laboratoire. Par la suite, cette
colonne a été réduire, d'où son nom de « minicolonne », et adaptée pour le
diagnostic des suspects de la trypanosomiase humaine africaine.
Cette technique
permet de trouver les parasites à une concentration d'au moins 100 trypanosomes
par ml de sang.
La résine
échangeuse d'anions (DEAE cellulose), utilisée en suspension dans un tampon
phosphate (PSG), a la capacité de retenir les cellules ayant une charge
électrique bien précise; or les cellules sanguines ont une charge électrique
différente de celle des trypanosomes. En adaptant le pH et la concentration du
tampon, on peut retenir, grâce à la cellulose, les cellules du sang et laisser
passer les trypanosomes. Selon les caractéristiques du tampon, on peut adapter
la mAECT au sang humain et d'animaux. Pour l'homme, le pH est fixé à 8 et la
concentration du tampon à 5:5.
Le liquide
recueilli est ensuite centrifugé pour concentrer les trypanosomes dans le
culot.
Avec un
objectif 10x, les trypanosomes apparaissent minuscules. Ils peuvent être
confondus, malgré leur mobilité, avec d'autres éléments venus souiller le
milieu. Ils peuvent aussi être masqués par de la cellulose entraînée lors de la
filtration [112, 113].
I.1.1.3.
Examen de la
lymphe ganglionnaire
Il est toujours
pratiqué à frais pour tirer parti de la mobilité des parasites. Les
adénopathies sous-cutanées, souvent cervicales, sont le résultat de
l’inflammation lymphatique généralisée provoquée par la présence in situ des
trypanosomes pendant le premier stade de la maladie. Il est donc utile de
ponctionner.
Une aiguille à
biseau court et de calibre assez important est enfoncée perpendiculairement à
la peau dans le ganglion hypertrophié, immobilisé entre deux doigts et malaxé
pour faire monter dans l’aiguille un peu de suc (lymphe). Le contenu de
l’aiguille est alors rejeté sur une lame porte-objet en y adaptant une seringue
contenant un peu d’air. L’examen se fait obligatoirement à frais, au
grossissement 400x, en recouvrant la préparation d’une lamelle pour obtenir une
couche fine, condition indispensable pour pouvoir observer les parasites
mobiles dans cette purée de lymphocytes [105].
I.1.1.4.
Culture des
trypanosomes
Cette technique
de mise en évidence des trypanosomes est lourde et onéreuse; elle ne peut être
faire que par du personnel spécialisé et, pour le moment, elle n'est utilisée
que dans le cadre de programmes de recherche.
Il existe
plusieurs façons de cultiver des trypanosomes et, selon la technique utilisée,
on obtiendra des formes sanguicoles ou des formes procycliques. On peut obtenir
la multiplication des trypanosomes par plusieurs techniques.
I.1.1.4.1.
Inoculation à
un animal de laboratoire
La souris est
le plus souvent utilisée. L’isolement de la souche de trypanosome impose
d'avoir une animalerie et d'emmener des animaux sur le terrain pour leur
inoculer directement le sang du malade (prélevé sur anticoagulant) par voie
intrapéritonéale.
Les animaux,
ramenés dans l'animalerie, sont contrôlés régulièrement par prélèvement de sang
au bout de la queue et lecture entre lame et lamelle. On obtient des formes sanguicoles.
L’usage de la souche isolée, pour peu que les trypanosomes se multiplient
effectivement dans l'animal, dépendra du projet en cours. Le plus souvent, il
s'agit d'identifications fines de la souche isolée par des techniques
isoenzymatiques ou de biologie moléculaires. Cette technique est lourde, très
spécialisée, mal adaptée aux conditions de travail sur le terrain lors des
prospections médicales.
I.1.1.4.2.
Xénodiagnostic
Il consiste à
faire absorber par une glossine le sang d'un malade et attendre que le trypanosome
ait fini son cycle dans l'insecte vecteur. Il faut gorger plusieurs glossines
ténérales pour espérer un résultat positif. Les trypanosomes obtenus en fin de
cycle sont des formes métacycliques infestantes. Les glossines peuvent être
contrôlées soit en sacrifiant et disséquant régulièrement quelques individus,
soit en les faisant saliver sur une lame préalablement chauffée.
Cette technique
est encore plus lourde que la précédente car elle nécessite un élevage de
glossines exemptes de trypanosomes. Elle a été utilisée pour la recherche de
trypanosomes chez des suspects dont aucune technique parasitologique n'avait
permis de mettre en évidence le trypanosome.
I.1.1.4.3.
Culture sur
milieux artificiels
La mise en
culture du sang ou du LCR est possible sur milieu glucose, lactalbumine, sérum,
hémoglobine (GLSH) modifié. La trousse kit for in vitro isolation (KIVI) permet
l’isolement de trypanosomes à partir d’un prélèvement [114]. Les formes qui se
multiplient en culture (en 1 à 2 semaines à température ambiante) sont des
épimastigotes. L’hémoculture n’est cependant pas une méthode employée en
diagnostic clinique.
I.1.1.5.
Biologie
moléculaire
Si aucune des
techniques parasitologiques n'a pu mettre en évidence des trypanosomes, on peut
être amené à utiliser la Polymerase Chain Reaction (PCR) qui ne détecte pas
visuellement le trypanosome dans le sang du malade mais indique la présence de
son ADN. C'est donc une preuve indirecte de la présence du parasite.
La PCR est la
plus sensible des techniques diagnostiques puisqu'elle permet de mettre en
évidence 1 trypanosome dans 1 ml de sang. Les prélèvements de sang sur le
terrain et leur transfert vers un laboratoire de biologie moléculaire, même
éloigné, sont aisés. Le prélèvement se fait dans des tubes type «
venoject » ou « vacutainer » contenant de l'EDTA. Ceux-ci sont
conservés et transportés à + 4 °C. Son seul défaut réside dans le fait qu'elle
oblige à envoyer les prélèvements de sang dans un laboratoire spécialisé.
Des données
provenant d’études évaluant les tests de diagnostic par amplification
moléculaire ont été extraites et totalisées pour calculer leur exactitude. La
sensibilité récapitulative de la PCR sur du sang était de 99,0 % et la spécificité
était de 97,7 %. La sensibilité et la spécificité de la PCR sur le LCR pour la
détermination du stade allait de 87,6 % à 100 %, et de 55,6 % à 82,9 %,
respectivement. Cette étude a conclu que la PCR semble présenter une exactitude
suffisante pour remplacer la microscopie lorsque les installations le
permettent [115].