Les candidats-médicaments

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La THA est un problème de santé publique important en Afrique subsaharienne. La découverte et le développement de nouveaux médicaments efficaces et sans danger pour traiter la THA sont nécessaires de toute urgence car les thérapies existantes présentent des profils d’innocuité médiocres, des schémas thérapeutiques difficiles, une efficacité limitée et un coût élevé. Deux candidats-médicaments sont à l'étude :

I.1.1.  Nitroimidazoles : le fexinidazole
Le fexinidazole ou 1-méthyl-2-((4-(méthylthio)-phénoxy)méthyl)-5-nitroimidazole était entré en stade de développement préclinique dans les années 1970 jusqu’au début des années 1980 en tant qu’agent antimicrobien. En 1983, il avait également démontré une activité trypanocide in vivo. Cependant, le développement du fexinidazole n’a pas été poursuivi sans raison apparente.
Presque trente ans plus tard, en 2010, ce composé nitroimidazole est dépoussiéré par l’équipe de Torreele qui reprend les études précliniques [148]. Le fexinidazole réussit alors avec succès les essais cliniques de phase I en 2010 et entre en phase II en 2012 [149]. Il s’agit de l’unique candidat en trente ans entré en développement clinique dans les premier et second stades de la trypanosomiase humaine africaine sur les deux espèces Trypanosoma brucei gambiense et Trypanosoma brucei rhodesiense.
Le composé et ses deux métabolites principaux, le sulphoxyde et le sulphone, ont été évalués pour leur capacité à éliminer in vitro une gamme de souches du parasite Trypanosoma brucei et à guérir des modèles aigus et chroniques de la THA chez la souris. La molécule mère et les deux métabolites ont démontré une activité trypanocide in vitro dans la gamme de 0,7 à 3,3 μM (de 0,2 à 0,9 μg/ml) contre toutes les souches de parasite testées. In vivo, le fexinidazole est efficace par voie orale pour guérir à la fois la maladie aiguë et la maladie chronique chez la souris à des doses de 100 mg/kg de poids corporel/jour pendant quatre jours et de 200 mg/kg/jour pendant cinq jours, respectivement. Les données pharmacocinétiques indiquent qu’il est probable que les métabolites, le sulphoxyde et le sulphone, fournissent la plupart sinon la totalité de l’activité d’élimination in vivo. Le fexinidazole et ses métabolites nécessitent une exposition de 48 h maximum pour induire une efficacité trypanocide maximale in vitro. Le médicament mère et ses métabolites ne présentent aucune réactivité croisée in vitro en termes de l’activité trypanocide soit entre eux, soit avec d’autres médicaments trypanocides connus utilisés chez les humains [150].
D’après les résultats obtenus, le fexinidazole démontre un fort potentiel pour devenir un traitement oral, non toxique, efficace, abordable financièrement et de courte durée avec une durée de conservation dans les conditions tropicales convenable. De plus, actif sur les deux espèces de Trypanosoma brucei, il faciliterait les diagnostics et ne nécessiterait pas de ponction lombaire pour déceler la présence de parasites dans le liquide céphalo-rachidien.
Des études n’ont pas encore été menées sur le mode d’action du fexinidazole. Cependant, il pourrait agir telle une prodrogue comme les autres 5-nitroimidazoles toxiques pour les parasites, après avoir été réduit dans l’organisme. En effet, les trypanosomes possèderaient des nitroréductases qui permettraient de réduire les nitroimidazoles en réactifs intermédiaires responsables des dommages dans la cellule du protozoaire [148].



I.1.2.  Benzoxaborole : SCYX-7158

 En 2006, DNDi (Drugs for Neglected Diseases initiative) collabore avec l’entreprise pharmaceutique SCYNEXIS dans le but de développer de nouveaux candidats pour le second stade de la maladie du sommeil. L’intérêt s’est alors porté sur les benzoxaboroles développés par Anacor Pharmaceuticals en collaboration avec l’Université de Californie. Ces derniers avaient démontré l’activité in vitro contre Trypanosoma brucei de ces composés à motif oxaborole. Une série d’analogues benzoxaborole-6-carboxamides a ainsi été préparée et évaluée afin de réaliser des études RSA en tenant compte des propriétés pharmacologiques des composés. Finalement, SCYX-7158 a été sélectionné pour des études approfondies. Sa modeste efficacité in vitro (CI50 d’environ 1 μM) est compensée par ses propriétés pharmacologiques dont sa bonne perméabilité lui permettant de traverser la barrière hémato-encéphalique. En effet, SCYX-7158 administré par voie orale pendant 7 jours permet une totale guérison des souris modèles atteintes au stade avancé. Enfin, des effets toxiques moindres ont été détectés lors de l’évaluation préclinique permettant l’entrée SCYX-7158 en phase I d’essais cliniques en 2012 [149, 151].