La maladie du
sommeil est vraisemblablement aussi vieille que l'humanité, mais on la signale
pour la première fois en 1374, à l'occasion de la mort du sultan du Mali
survenue après une longue maladie se terminant dans un état de sommeil continu,
« Et le sultan fut frappé par la maladie du sommeil à laquelle sont particulièrement
sujets les habitants du pays et surtout les chefs. Le malade est envahi par une
somnolence qui se fait toujours plus profonde ; de temps en temps, il est
possible de le libérer un bref instant de ce sommeil qui, finalement, devient
invincible.» Ibn Khaldoun, 1375, rapporté par Collomb, 1958.
Les marchands
d'esclaves comprennent déjà les conséquences de cette maladie : tous les
esclaves présentant de gros ganglions à la base du cou sont écartés. Il faut
attendre encore 350 ans (1724) pour que la première description de la maladie
soit faite. Mais c'est en 1901 que le parasite responsable de la maladie est identifié.
Cette année-là, Robert Michael Forde voit des "vermicules mobiles"
dans le sang d'un capitaine de bateau faisant du trafic fluvial depuis six ans
en Gambie [2]. Joseph Everett Dutton, en 1902, examine le sang du patient et
identifie un trypanosome qu'il décrit sous le nom de Trypanosoma gambiense
[3]. Dans
les dix ans qui suivent, les découvertes vont s'enchaîner.
En 1903, en Gambie,
la présence des trypanosomes dans le sang humain est confirmée : tout le monde
pense alors que ce parasite est très peu pathogène et qu'il n'a aucun rapport
avec la maladie du sommeil. La même année Aldo Castellani découvre, en Ouganda,
des trypanosomes dans le liquide céphalo-rachidien (LCR) de malades sommeilleux
[4]. Pour les chercheurs de l'époque,
c'est lui le responsable de la maladie du sommeil. Ils en concluent alors qu'il
existe en fait deux trypanosomes distincts: un dans le sang, peu pathogène, et
un autre dans le LCR et le système nerveux central qui est le vrai responsable
de la maladie du sommeil. D'autres chercheurs constatent que les trypanosomes
sanguicoles (qui vivent dans le sang) ne sont présents que dans les zones où
sévit la maladie du sommeil: comme ils sont en tout point identiques à ceux du
système nerveux, ils en concluent que le trypanosome se trouvant dans le sang
constitue le premier stade de la maladie du sommeil.
Sachant que
cette maladie évolue en deux périodes et que le trypanosome en est l'agent
pathogène, il reste alors à découvrir comment il se transmet. C'est chose faite
en 1903. David Bruce, suspectant les glossines d'être les vecteurs de la
maladie, en fournit la preuve expérimentale en transmettant des trypanosomes à
des animaux par l'intermédiaire de glossines sauvages nourries sur des
sommeilleux [5].
En 1908, en
Afrique de l'Est, on rapporte des cas de maladie du sommeil remarquables par
leur sévérité et leur courte durée d'évolution vers la mort. En 1912, il est
démontré que le trypanosome responsable de cette forme aiguë diffère de Trypanosoma
gambiense. Du fait de son origine géographique, l'agent pathogène de cette
nouvelle forme de maladie du sommeil est appelé Trypanosoma rhodesiense [6].