Chez l'hôte
définitif
Les
trypanosomes sont inoculés à l'homme lors du repas sanguin d'une glossine
infectante. Ceux qui pénètrent lors de la piqûre vont d'abord demeurer dans les
tissus sous-cutanés, au point de piqûre, donnant une sorte de furoncle appelé
le chancre d'inoculation. Ils vont ensuite passer dans le sang et se multiplier
en se dispersant grâce aux circulations sanguine et lymphatique. Ils vont ainsi
se retrouver dans différents organes et, notamment, les ganglions.
Les trypanosomes
restent dans le système sanguin et le système lymphatique pendant une durée
variable, de quelques semaines à plusieurs années. Ils finissent par traverser
la barrière méningée qui protège le système nerveux central. Dès lors, le
malade passe dans une nouvelle phase de la maladie, la phase de polarisation
cérébrale. Cela se traduit par une aggravation de son état avec apparition de
signes neurologiques, mais aussi par une disparition presque totale des
trypanosomes dans le sang : à ce stade, on les rencontre presque exclusivement
dans les tissus et liquides du système nerveux central.
Chez l'insecte
vecteur
Si une glossine
ténérale (une glossine ténérale, est une glossine jeune qui ne s'est pas encore
nourrie de sang. On la reconnaît à son aspect assez clair par rapport aux
individus plus âgés et surtout à la mollesse de ses téguments) se nourrit sur
un homme ou un animal dont le sang est porteur de trypanosomes, elle ingurgite
les parasites avec le sang. Trypanosoma brucei gambiense, Trypanosoma
brucei rhodesiense, et Trypanosoma brucei brucei suivent le trajet
du sang : œsophage, jabot, proventricule, puis intestin à l'intérieur de la
membrane péritrophique (figure 5) ; ils se transforment successivement en
formes procycliques dans l'intestin puis en formes métacycliques, infectantes,
dans les glandes salivaires [22].
Figure 5 : Organes internes de la glossine [24].
Le parcours des
autres trypanosomes transmis par la glossine est totalement différent en dehors
de celui de Trypanosoma suis, parasite des porcs relativement peu
fréquent. Trypanosoma vivax se fixe à l'intérieur de la cavité du
proboscis, entre labre et labium, où il se multiplie ; les formes infectantes
pourront aussi se retrouver dans l'hypopharynx. Trypanosoma congolense
et Trypanosoma simiae, après ingestion, se développent dans l'intestin
moyen puis migrent vers le proventricule, l'œsophage puis le proboscis sur la
paroi duquel ils se fixent et s'y multiplient; les formes métacycliques
infectantes migreront vers l'hypopharynx. Trypanosoma grayi, trypanosome
de reptiles, se développe dans l'intestin moyen puis passe dans l'intestin
postérieur où il se transforme en forme infectante métacyclique ; les reptiles
sont contaminés lorsque la tsé-tsé dépose ses excréments sur leurs muqueuses ou
quand elle est écrasée.
Les avis
diffèrent sur le circuit parcouru par le trypanosome du groupe brucei.
Il était classiquement admis qu'il traversait la membrane péritrophique (un
tube chitinisé (constitué de chitine, élément essentiel du corps des insectes)
extensible, semi-perméable, contenu à l'intérieur de l'intestin. Elle est
sécrétée en permanence par le proventricule, et sert à contenir le sang durant
sa digestion) à son extrémité postérieure puis remontait l'espace
ectopéritrophique (entre la membrane péritrophique et la paroi interne de
l'intestin) pour retraverser la membrane, fraîchement sécrétée, au niveau du
proventricule et passer dans l'œsophage, puis dans l'hypopharynx, avant de
rejoindre les glandes salivaires où il se multipliait. Certaines observations
tendent à prouver le contraire : Trypanosoma brucei rhodesieme
traverserait la membrane péritrophique de Glossina morsitans morsitans
dans la partie médiane de l'intestin, au niveau des plis et poches formés par
la membrane ; il traverserait ensuite les différentes couches de cellules
de la paroi intestinale pour rejoindre l'hémocèle et enfin les glandes
salivaires où il se multiplie activement [23].
Environ 15 à 35
jours après le repas infectant, la glossine peut transmettre à son tour et
restera infectante toute sa vie. À chaque repas ultérieur, elle contaminera un
nouvel hôte sain en injectant sa salive qui lui sert à anesthésier la blessure
provoquée par la piqûre et à empêcher la coagulation du sang.
La tsé-tsé est
naturellement réfractaire à l'infection par les trypanosomes. L’impossibilité
pour une glossine de s'infecter est due à une substance particulière sécrétée
au niveau du tube digestif, une lectine, qui provoque la mort des trypanosomes procycliques.
Cependant chez les glossines, durant la période pré-imaginale (période de la
vie de la glossine entre son dépôt par la femelle (larviposition) et sa sortie
du puparium), les symbiontes de l'intestin moyen ont fabriqué des enzymes
(endochitinases) servant à la dégradation de la chitine durant la pupaison. Ce
phénomène a entraîné l'accumulation d'une enzyme qui inhibe l'action de la
lectine et permet aux trypanosomes procycliques de survivre et de s'installer
définitivement dans l'espace entre la membrane péritrophique et la paroi de
l'intestin. Après le premier repas de sang, la sécrétion de lectine devient
normale empêchant toute infestation ultérieure. Cela explique que seule la
glossine ténérale est capable de s'infecter et uniquement lors de son premier repas
sur un hôte infecté. Si elle s'infecte, elle le reste toute sa vie et peut
transmettre des trypanosomes à chaque piqûre [25].