Les contraintes
de la lutte antivectotielle sont la faisabilité, l’efficacité, la rapidité, l’innocuité,
la modicité des coûts. À l'heure actuelle, peu de techniques répondent à ces
critères.
Il est
désormais inutile de penser au déboisement, au débroussaillage ou à toutes atteintes
à la végétation.
Les méthodes
biologiques sont inefficaces, donc sans intérêt. On ne peut davantage envisager
les méthodes génétiques, en principe inoffensives pour l'environnement, mais
qui demandent à être améliorées pour être vraiment efficientes.
Il convient
quand même de rappeler que la lutte contre les trypanosomoses du bétail par
lâchers de glossines mâles stériles a remporté quelques succès, mais après
avoir utilisé une technique complémentaire pour abaisser les densités de
glossines.
Les
pulvérisations d'insecticides sont efficaces sous climat sec, ce qui exclut la
forêt.
Par voie
terrestre, elles sont longues et très onéreuses car elles exigent un personnel
et des moyens logistiques importants (véhicules et appareils). Par voie
aérienne, elles sont, en principe, moins coûteuses, mais ne peuvent pas non
plus être adoptées car la plupart des pays ne disposent pas des avions ou
hélicoptères nécessaires, ce qui oblige à faire venir à grands frais des
équipes spécialisées d'Europe ou d'Amérique.
Signalons aussi
qu'elles sont inopérantes en zone de forêt et que de toutes les façons, dans
les deux cas, les risques de pollution sont importants.
Donc pour
lutter contre les glossines vectrices de la THA, il ne reste en fait que le
piégeage.
I.1. Systèmes de piégeage
Parmi les
systèmes mis au point et utilisables, nous ne citerons que trois modèles sélectionnés autant pour leur efficacité que
pour leur facilité de montage et d'installation et pour leur prix modique :
l'un est une surface plane, l'écran, les deux autres sont des volumes, les
pièges.
I.1.1.
L’écran
L’écran est
simple à construire, mais son attractivité dépend presque exclusivement du
choix des tissus. Il doit être attractif de loin et inciter la glossine à se
poser pour qu'elle puisse prendre une dose mortelle d'insecticide. Moins
efficace que les pièges, l'écran présente en revanche quatre avantages:
-
il est très
maniable et une grande quantité d'écrans peut être transportée par une seule
personne;
-
il est robuste
et peut être confié à tous dans n'importe quelle situation;
-
il est facile à
réimprégner d'insecticide par simple immersion dans un récipient ;
-
il est bon
marché.
L’écran
noir/bleu/noir est composé (figure 25) :
-
d'une bande
centrale de tissu (coron/polyester ou polyester) bleu;
-
de deux bandes
latérales de voile polyamide noir;
-
de deux
languettes de tissus cousues en haut de l'écran et servant à le fixer à deux
piquets.
Figure 25
: Ecran noir/bleu/noir [153].
La fixation est
simple: couper deux piquets (les plus droits possibles) dans du bois dur
résistant aux termites (le bois de caféier est idéal) ; les planter à 1 m de
distance environ; fixer l'écran au moyen des deux languettes de façon que le
bas de l'écran soit à environ 10 cm du sol (il ne doit pas traîner par terre,
mais il ne doit pas être accroché trop haut). Les glossines du groupe palpalis
volent très près du sol à, moins d'un mètre de hauteur. Si les écrans ou les
pièges sont trop hauts, ils perdent de leur efficacité.
L’emplacement
de l'écran doit être bien désherbé dans un rayon d'au moins 2 m pour augmenter
sa visibilité par la glossine.
Pour être
vraiment attractif, l'écran doit être de préférence placé au soleil et perpendiculairement à l'axe de déplacement de
la glossine. Par exemple:
-
près d'un
sentier ; les glossines volant fréquemment le long des sentiers empruntés par
l'homme, l'écran doit être placé perpendiculairement à l'axe de ce sentier pour
être visible de loin et intercepter les glossines en mouvement ;
-
le long d'une
lisière; les glossines suivent les lisières (entre champ et forêt, entre forêt
et rizière) ; aussi l'écran, pour être efficace, doit être placé
perpendiculaire à cette lisière;
-
au campement,
où l'écran doit être placé en lisière mais loin du feu ou des émanations de
fumée;
-
au point d'eau;
si un chemin arrive à ce point d'eau, l'écran est placé à l'arrivée du chemin;
dans les autres cas, il est installé près de l'eau mais de façon à ne gêner
personne pour ne pas être renversé ou sali;
-
dans une
galerie forestière, les écrans sont placés environ tous les 300 mètres, dans
des endroits ensoleillés, le plus près possible de l'eau et perpendiculairement
à la berge.
I.1.2.
Les pièges
Les pièges sont
des volumes à l'intérieur desquels la glossine doit pénétrer. Elle est tuée
soit par exposition prolongée au soleil, soit par contact avec un insecticide
déposé sur les tissus qui le composent.
De nombreuses
glossines n'entrent pas dans les pièges, mais se contentent de se poser sur les
tissus à l'extérieur. Cela justifie que tous les pièges soient imprégnés par un
insecticide, au moins une fois avant la pose. Le contact avec l'insecticide
suffira à les tuer, du moins tant que l'insecticide est encore actif.
Plusieurs
modèles de pièges ont été inventés, mais nous ne citerons ni les pièges pour
glossines de savane, d'intérêt vétérinaire, ni les pièges trop complexes à
construire, ni ceux qui n'ont pas été testés à grande échelle.
Certains
dérivent du piège biconique caractérisé par (figure 26) :
-
un cône
inférieur bleu attractif pour le groupe palpalis ;
-
quatre
ouvertures sur ce cône, donnant accès à l'intérieur du piège où se trouvent
deux écrans noirs cousus à angle droit;
-
un cône
supérieur en tulle moustiquaire dans lequel les tsé-tsé accèdent en remontant
le long des écrans noirs;
-
un axe central
(piquet en fer à béton) servant à fixer le piège.
Figure 26
: Piège biconique [153]
La glossine est
attirée de loin par la couleur bleue et par le contraste entre le piège et
l'environnement puis à proximité par le contraste entre le tissu bleu et les
ouvertures sombres du piège qu'elle assimile peut-être à des lieux de repos.
Elle pénètre par l'une des quatre ouvertures et bloquée par les écrans
intérieurs noirs, elle monte dans le cône en tuile, attirée par la lumière. Comme
tous les insectes, tant qu'il fait jour, elle cherche à sortir vers le haut et
ce n'est qu'au crépuscule qu'elle pourra s'échapper par le chemin qu'elle a
emprunté. Il faut, durant le temps qu'elle reste prisonnière, qu'elle soit tuée
par le rayonnement solaire, par un insecticide ou qu'elle soit capturée dans un
système complémentaire (poche remplie d'eau formolée ou de pétrole).
Des pièges
dérivés du piège biconique basés sur le même principe ont été dessinés pour
améliorer le rendement, faciliter la construction mais aussi diminuer le prix
de revient. Nous ne retiendrons ici que le piège Vavoua et le piège pyramidal.
Figure 27 :
Piège Vavoua [153].
Figure 28 : Piège pyramidal [153].
Le piège Vavoua
(figure 27) est composé de trois écrans cousus à 120° alors que le piège
pyramidal (figure 28) en comporte quatre, cousus à angle droit (comme le piège biconique).
Dans le
premier, les écrans sont composés d'une bande bleue externe et d'une bande
noire centrale. Le second possède deux écrans bleus et deux écrans noirs. Ces
écrans sont maintenus en place par un cercle en fil de fer galvanisé dans le modèle
Vavoua et par quatre baguettes (en bois ou en plastique) dans le pyramidal. La
partie supérieure du Vavoua est constituée de trois triangles arrondis à leur
base, cousus ensemble, alors que dans le pyramidal, elle est faite de quatre
triangles.
Les deux types
de pièges peuvent être fixés au sol par un piquet (bois ou fer à béton) ou bien
attachés par une ficelle à une branche basse ou à tout autre support à condition
que le bas du piège ne soit pas à plus de 50 cm du sol. Dans la première
solution, il faut éviter que le piquet ne déchire le tulle et protéger le
sommet du cône ou de la pyramide: l'extrémité du piquet est emmaillotée d'une
boule de coton et une ficelle est nouée par-dessus le tulle pour fixer le tout.
Ces deux pièges
présentent à peu près la même efficacité; le Vavoua exige moins de tissu que le
pyramidal mais, pour être maintenu en place, il lui faut un cercle en fil de
fer.
Dans les deux
pièges, la partie la plus fragile est le cône, ou la pyramide, en tulle
moustiquaire: les rayons du soleil, la pluie et la poussière entraînent une
dégradation rapide. Le remplacement du tulle moustiquaire par un tissu plus
résistant mais opaque réduit le rendement du piège car les glossines ont moins
tendance à monter vers le haut et ressortent plus vite du piège. Au-delà de six
mois, le remplacement du piège est souvent nécessaire, mais les parties bleues,
noires et métalliques, sont récupérables.
Le choix entre
les deux modèles sera déterminé par:
-
l'existence de
tests comparatifs des deux modèles dans la zone;
-
la
disponibilité relative des tissus et du fil de fer galvanisé ainsi que le prix
local de ces matériaux.
I.2.
Insecticide
L'insecticide
est obligatoire pour les écrans; il est facultatif pour les pièges mais il
accélère la réduction des populations de glossines en tuant celles qui se
posent à l'extérieur sans pénétrer dans le piège ou en tuant celles qui sont
entrées avant qu'elles ne s'échappent. L'insecticide est prélevé au niveau des
coussinets des pattes de l'insecte et tue l'insecte par contact, non par
inhalation.
L'insecticide
doit:
-
avoir une
action foudroyante, même à faible dose (et cela surtout pour les écrans) ;
-
ne pas être
toxique pour ceux qui le manipulent;
-
avoir une
rémanence très forte;
-
être d'un prix
abordable.
À l'heure actuelle,
seule la deltaméthrine répond à ces critères ; de plus, elle a été testée au
laboratoire et sur le terrain. Dans les pays concernés par la THA, cet
insecticide est disponible car il est utilisé pour le traitement des cotonniers
(sous un nom commercial différent). D'autres composés de la même famille
doivent encore faire leurs preuves avant d'être plus largement utilisés.
La
deltaméthrine est un pyréthrinoïde de synthèse : l’un des insecticides les plus
toxiques, même à très faible dose, pour les tsé-tsé. Moins rémanent, car
photodégradable, et plus cher que les organochlorés, il possède néanmoins des
qualités indiscutables : biodégradabilité, très faible toxicité pour les
mammifères, faible volatilité.
L’un des
désagréments les plus marquants des pyréthrinoïdes est leur effet irritant :
liposolubles, ils traversent rapidement les parois cellulaires par contact, inhalation
ou ingestion. Toutefois cet effet est de courte durée et ne représente pas un
risque important (la sensation de brûlure peut être calmée par friction avec un
demi citron).
Les pyréthrinoïdes
possèdent la particularité de provoquer un effet knockdown sur les insectes :
une glossine recevant ou prenant une dose sub-léthale d‘insecticide tombe et
reste plus ou moins immobilisée pendant plusieurs heures.
Des femelles de
Glossina morsitans morsitans recevant 15 % d‘une dose létale ne
retrouvent leur capacité à voler qu’au bout de 30 heures [154].
Mais 85 % des
tsé-tsé tombées à terre sont dévorées par les prédateurs (fourmis) au bout de 6
heures et 100 % au bout de 12 heures [155].
L‘effet
knockdown ne réduit donc pas l’efficacité des pyréthrinoïdes car contrairement à
ce que l’on observe avec les autres insecticides, les faibles doses entrainent
indirectement la mort de l’insecte.
La
deltaméthrine trouve de nombreuses applications en agriculture, dans l‘élevage
et en santé humaine du fait de sa faible toxicité pour les mammifères.