Réservoir : Hôte Malade

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 Cycle du trypanosome
Le cycle de transmission du parasite dans la nature paraît assez simple (figure 6). Tant qu'une personne héberge des trypanosomes dans le sang, il reste une source de contamination pour toutes les glossines qui le piqueraient. Les malades en 1ere période représentent donc le réservoir de parasites le plus dangereux, d'autant que, comme nous le verrons, ils ont peu de signes cliniques et ne se sentent, le plus souvent, pas malades. Arrivés en 2ème période, les trypanosomes disparaissent progressivement du sang et, du fait de la gravité de la maladie, les malades vont de moins en moins travailler, ce qui diminue leur exposition aux glossines.
Il peut exister un cycle sauvage. La glossine se contamine et/ou contamine un animal, en particulier le porc dans le cas de Trypanosoma brucei gambiense. Infectée, à partir d'un animal, avec un trypanosome pathogène pour l'homme, la glossine le lui transmettra lors d'un nouveau repas de sang. Ces animaux constituent ce que l'on appelle le « réservoir animal » de la trypanosomose humaine.


Figure 6 : Cycle de transmission de Trypanosoma brucei gambiense [26].

 Réponse immunitaire
Dans le sang, les trypanosomes se multiplient selon un rythme déterminé par la réponse humorale de l'hôte, aboutissant ainsi à des vagues parasitémiques (figure 7).
Le trypanosome se multiplie dans le sang, mais l'organisme de l'homme parasité réagit grâce à son système immunitaire. Il crée des anticorps qui détruiront les trypanosomes, ce qui aboutit à l'arrêt de leur multiplication puis à leur disparition presque totale du système circulatoire. De son côté, le trypanosome se défend en se transformant de telle sorte que les anticorps ne pourront plus le détruire. Il peut ainsi se multiplier à nouveau, ce qui se traduit par une nouvelle vague parasitémique.
Le corps humain réagit en produisant de nouveaux anticorps actifs contre la nouvelle forme prise par les trypanosomes. La nouvelle vague est stoppée, disparaît et le cycle recommence.
À chaque vague parasitémique correspond ce qu'on appelle un variant antigénique. Entre chaque vague, les parasites peuvent être indécelables par les techniques de diagnostic courantes.
Le test le plus employé pour le dépistage de la THA est le Card Agglutination Test for Trypanosomiasis (CATT). Il est fabriqué à partir d'un variant antigénique commun à la presque totalité des foyers et présente au début de la maladie (il est souvent le variant de la « première vague » parasitémique), ce qui permet des dépistages précoces. On l'appelle le variant LiTat 1.3.


Figure 7 : Vagues parasitémiques de Trypanosoma brucei [27].

Les humains ont développé un système d’immunité inné particulier contre les trypanosomes africains et seuls deux clones de Trypanosoma brucei (Trypanosoma brucei gambiense et Trypanosoma brucei rhodesiense) peuvent résister à cette défense et causent la maladie du sommeil. Deux protéines sériques spécifiquement humaines ont été successivement présentées comme étant trypanolytiques : la protéine apparentée à l’haptoglobine (haptoglobin-related protein : Hpr) et l’apolipoprotéine L1 (apoL1). Le sérum humain normal contient deux types de particules porteuses de ces deux protéines. Ces particules sont respectivement une sous-fraction d’HDL appelée facteur lytique des trypanosomes 1 (TLF1) et un agrégat d’IgM appelée facteur lytique des trypanosomes 2 (TLF2). Alors que Hpr est impliquée en tant que ligand de TLF, l’activité lytique est due à apoL1, une protéine formant des pores.
Dans le cas de TLF1, un processus d’absorption a été caractérisé. Lorsqu’elle est libérée dans la circulation, l’hémoglobine (Hb) se lie à Hpr et, par conséquent, au TLF1.
A son tour, le complexe Hpr-Hb se lie au récepteur Hb-haptoglobine (Hp) du trypanosome, il s’agit d’un récepteur de surface dont la fonction est de permettre l’import d’hème à partir de la dégradation d’Hb. En effet les formes sanguicoles du trypanosome ont besoin d’hème pour alimenter des hémoprotéines, dont l’activité permet au parasite de résister au stress oxydatif des macrophages.
Comme ce récepteur ne distingue pas entre Hp et Hpr, les particules de lipoprotéines de haute  densité contenant Hpr du sérum humain sont absorbées efficacement par le parasite, ce qui conduit à une internalisation simultanée de l’hème tiré d’apoL1, de Hpr et de Hb. Une fois dans le lysosome, l’apoL1 est ciblée vers la membrane lysosomale, où son activité de formation de pores anioniques déclenche un influx d’ions de chlorure du cytoplasme. L’effet osmotique lié à ce flux d’ions conduit à une tuméfaction incontrôlée du lysosome, causant finalement la mort du parasite [28] (figure 8 A).
Deux clones de Trypanosoma brucei, appelés Trypanosoma brucei rhodesiense et Trypanosoma brucei gambiense, ont réussi à résister à ce mécanisme de lyse et causent, par conséquent, la maladie du sommeil chez les humains.
Le facteur dominant responsable de la résistance de Trypanosoma brucei rhodesiense a été identifié. Cette protéine, appelée « associée à la résistance au sérum » (SRA), est une version tronquée de l’antigène majeur variable de surface du parasite, la glycoprotéine variable de surface (VSG). Sans doute à cause de sa nature déficiente, la SRA n’est pas ciblée vers la membrane du plasma comme les VSG normales mais se retrouve dans le compartiment endosomal tardif. A cet endroit, la SRA neutralise l’apoL1 par le biais d’interaction avec son hélice du C terminal [29] (figure 8 B).
Il a été défini des mutations de cette l’hélice qui empêchent l’interaction avec la SRA et rendent donc ces versions mutantes de l’apoL1 capables de tuer Trypanosoma brucei rhodesiense. De façon inattendue, Il a été découvert que des mutants similaires existent dans la nature : chez les Africains et les Américains d’origine Africaine, ces mutations protègent contre l’infection par Trypanosoma brucei rhodesiense même à l’état hétérozygote,  mais le prix à payer est une fréquence particulièrement élevée de développement d’insuffisance rénale à l’état homozygote. La sélection naturelle des mutations de l’apoL1 en dépit de leur caractère délétère pour les reins souligne à quel point la lutte contre les trypanosomes a été importante pour l’évolution de l’espèce humaine [30, 31] (figure 8 C).
Un mécanisme de résistance a pu être récemment proposé pour Trypanosoma brucei gambiense. L’accroissement de la rigidité membranaire des endosomes de   Trypanosoma brucei gambiense par une glycoprotéine spécifique de ce parasite appelée TgsGP (Trypanosoma brucei gambiense specific   glycoprotein) empêche l’apoL1 de former des pores, et donc bloque la fuite ionique à l’intérieur du parasite qui conduirait à sa mort. Dans ce mécanisme de résistance, l’apoL1 reste piégée dans les endosomes suffisamment longtemps pour être dégradée, et le parasite reste malheureusement actif [32] (figure 8 D).


Figure 8 :
§  A : Mécanisme de sensibilité de Trypanosoma brucei brucei au sérum humain.
§  B : Mécanisme de résistance de Trypanosoma brucei rhodesciense au sérum humain.
§  C : Mécanisme de sensibilité de Trypanosoma brucei rhodesciense au sérum humain avec ApoL1 mutante.
§  D : Mécanisme de résistance de Trypanosoma brucei gambiense au sérum humain [33].

T.b. : Trypanosoma brucei ; ApoL1 : Apolipoprotéine L1 ; Hb: Hémoglobine ; Hpr: protéine apparentée à l’haptoglobine ; SRA : protéine associée à la résistance du sérum ; TgsGP : Trypanosoma brucei gambiense specific   glycoprotein ; HDL : Lipoprotéine de haute densité.